Business Club de l'Ouest
Les Bureaux du Cœur : quand les entreprises ouvrent leurs portes aux sans-abri
Dans le cadre du Business Club de l'Ouest, Pierre-Yves LOAËC, fondateur des Bureaux du Cœur, a présenté son initiative qui permet aux entreprises d'héberger des personnes sans domicile fixe dans leurs locaux pendant la nuit. Cette association, créée il y a cinq ans, a déjà aidé près de 750 personnes et propose plus de 120 000 nuités d'hébergement grâce à l'engagement de 300 entreprises en France et en Europe.
La genèse d'une idée innovante
L'idée des Bureaux du Cœur est née d'une prise de conscience. En 2008, Pierre-Yves LOAËC, alors dirigeant d'une agence de communication, remarque une femme dormant sur une bouche d'aération dans le parking de son entreprise :
"C'est un hiver assez froid, et mes bureaux sont à côté de mon parking, et sur mon parking il y a une bouche d'aération sur laquelle une femme dort toutes les nuits. Je croise cette femme et je me dis, là, quand même, il y a quelque chose qui déconne."
Cette situation l'interpelle d'autant plus qu'il venait de prendre la présidence du CJD (Centre des Jeunes Dirigeants) à Nantes, un mouvement qui prône "l'économie au service de l'homme". La concrétisation du projet viendra quelques années plus tard, suite à une discussion avec son épouse après avoir dîné chez des amis qui hébergeaient un migrant.
Un fonctionnement encadré et sécurisé
Le concept des Bureaux du Cœur repose sur un principe simple : permettre à des personnes sans domicile fixe d'utiliser les locaux d'entreprises inoccupés la nuit. Les personnes accueillies arrivent vers 18h et repartent le matin vers 8h30-9h.
Pour garantir la sécurité de tous, l'association a mis en place un cadre précis :
"Les personnes qui viennent dormir sont encadrées, vous l'avez compris, correspondent au cahier des charges Bureaux du Coeur. C'est un peu terrible de dire qu'il y a un cahier des charges, un casting, une sélection. Tout ça sont des mots assez terribles quand on parle d'humains. Mais en l'occurrence, on ne peut pas accueillir dans des locaux d'entreprise des personnes qui ont des problèmes d'addiction, qui ont des problèmes d'alcoolisme, de drogue. On ne peut pas accueillir des personnes qui sont mineures, on ne peut pas accueillir des personnes qui ne sont pas en régularité sur le territoire."
Les personnes accueillies sont systématiquement suivies par une association d'insertion partenaire, qui assure l'accompagnement social nécessaire à leur réinsertion.
Les défis de l'implantation en entreprise
L'un des principaux obstacles à l'adoption de ce dispositif est la peur de l'inconnu. Pierre-Yves LOAËC l'admet :
"Au-delà des aspects techniques et managériaux, le premier frein c'est la peur de l'autre. Et ça je peux en parler parce que je l'ai bien connu [...] nous les insérés, que nous sommes tous ici à peu près ce soir, et sans doute la plupart des personnes qui nous regardent aussi derrière leur écran, nous les insérés au fond, on fréquente assez peu les non-insérés."
L'implication des collaborateurs est également un enjeu majeur. Le fondateur raconte avec humour sa propre expérience :
"J'ai débarqué dans une réunion qui était consacrée à mes collaborateurs avec un architecte d'intérieur qui aménageait nos futurs locaux. Et j'ai dit aux collaborateurs, vous voyez le plan ? Là, on pourrait mettre une porte et là, ça permettrait de pouvoir dégager un espace suffisant pour faire dormir une personne qui serait sans abri dans nos locaux le soir et le week-end. Et là, j'ai quitté la réunion en disant, salut, bonne journée."
Aujourd'hui, l'association forme ses bénévoles pour accompagner les entreprises dans cette conduite du changement.
Un modèle économique performant
Les Bureaux du Cœur emploient désormais 10 salariés et fonctionnent avec un financement composé à 80% de mécénat et 20% de dons. L'association se distingue par son efficacité économique :
"Un lit d'urgence coûte environ 10 000 euros à la collectivité par an. Un lit d'urgence, entre guillemets, enfin, en tout cas, dans le budget des bureaux du coeur, ça coûte 1500 euros et on souhaite tendre vers le 1000 euros."
Pierre-Yves LOAËC précise toutefois que cette comparaison doit être nuancée, car les dispositifs d'urgence traditionnels incluent des missions d'insertion que l'association n'assure pas directement.
Des bénéfices mutuels
L'initiative crée une relation gagnant-gagnant. Pour les personnes accueillies, c'est l'opportunité de bénéficier d'un réseau et de services :
"La magie vient de nos collaboratrices et nos collaborateurs qui mettent à l'aise les personnes qui viennent dormir en proposant de rendre des menus-services, je te lave ton linge, je t'apporte un plat préparé, je t'aide à faire ton CV, enfin bref, je te mets en réseau."
Pour les entreprises, c'est une façon de renforcer la cohésion interne :
"Quand on met de la fragilité dans l'entreprise, on met de la solidarité dans l'entreprise. Et à l'heure où nos entreprises s'individualisent de plus en plus dans les modes de travail, Freelancing, télétravail, j'en passe et des meilleurs. Nos plateaux sont de moins en moins pleins."
Un développement international maîtrisé
Après s'être développée dans 28 villes en France et en Europe (notamment en Espagne, Suisse et Belgique), l'association concentre désormais ses efforts sur la consolidation de l'existant plutôt que sur l'ouverture de nouveaux territoires. Néanmoins, l'Allemagne commence à s'intéresser au concept, et les Bureaux du Cœur se tiennent prêts à accompagner de nouvelles équipes.
Avec un taux de réinsertion estimé à 80% (chiffre en cours de vérification), les Bureaux du Cœur démontrent qu'une solution simple peut avoir un impact significatif sur la problématique du sans-abrisme, tout en créant du lien social au sein des entreprises.
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